La sexualité selon Caraco

Ce texte a été publié dans Le Matin - 25 août 1983

Supplément à la psychopatia sexualis d'Albert Caraco, L'Age d'Homme.

On connaît mal Candido Chagas Furacachopos, fondateur de l'institut de sexologie de Brasilia - installé sur les lieux plusieurs années avant que la capitale n'y fut bâtie - il est pourtant l'auteur de deux ouvrages, deux classiques pourrait-on dire, célébrés par tous les érotologues d'Orient et d'Occident : La Masturbation sénile et Zoophilie enfantine, en cours de réimpression dans toutes les grandes capitales.

Ajoutons qu'il mourut puceau et martyr en défendant son institut contre les hordes fascistes ; violé soixante-seize fois par les légionnaires de la mort ; ses admirateurs éplorés, afin d'éviter qu'il ne devint l'objet d'un culte, s'emparèrent de l'anus du professeur, lequel, malgré des recherches assidues, n'a jamais été retrouvé. Quant au prépuce du maître, il serait, selon MM. Mariano Dinguilindon Gandumbas et Tastevit-Desmatous, exposé au musée de l'Homme, à Paris.

C'est à ce savant considérable et bien entendu imaginaire que l'auteur du Supplément à la psychopatia sexualis a voulu dédier le fruit de son travail.

Ce petit volume, qui comme tout ouvrage gagne à être feuilleté, est l'oeuvre d'un homme étrange et pénétrant que L'Age d'Homme édite avec persévérance depuis de longues années. Auteur prolixe s'il en fût, Albert Caraco, qui s'est donné la mort en 1971, a publié plusieurs dizaines de volumes à caractère philosophique et littéraire sur lesquels il faudra sans doute se pencher un jour.

Cet homme qui dans Ma Confession n'hésite pas à déclarer : "Je hais le désir même", livre dans ce Supplément, comme de bien entendu, ses plus secrets fantasmes, ses plus vastes voluptés, changeantes et inconnues. Masochisme, zoophilie, sadisme et autres délectations plus ou moins moroses s'y succèdent frénétiquement. Qu'on en juge : "Une telle est frigide et rêve d'être violée, sa passion est d'aller consulter les médecins (...) le speculum l'émeut au souverain degré, le rectoscope fera ses délices (...) sitôt que le docteur l'introduit, son fondement l'avale..." (Observation 55) "Nous observons une minute de silence à la mémoire des révérends pères branlés à mort par d'impudiques sauvagesses ou rendus fous par les excès vénériens." (Observation 104). Au sujet d'un prétendu ouvrage sur la circoncision rédigé par un médecin juif libéral : "... il laisse entendre que les musulmans sont les esclaves du désir, au nom d'une dialectique de la sensibilité dont le gland juit serait la thèse et le gland islamique l'antithèse." (Observation 113)

La pudeur nous interdit de poursuivre dans ces colonnes une telle anthologie lyrico-spasmodique. Le Lecteur qui le désire devra se contenter de plaisirs plus solitaires mais il est vrai souvent fort satisfaisants. Il lui suffira, pour ce faire, de se rendre promptement dans une bonne librairie.



JP I-A